Remerciements des organisateurs et organisatrices pour cette occasion de parole et de partage.
Présentation dans le cadre du colloque « Reconnecter un monde dévasté ? Représentation des enjeux environnementaux dans les jeux vidéo » (Univ. de Rouen-Normandie) - 8 Avril 2022
Titre : Sacrifice must be made
Sous-titre : Réflexions sur l'obsolescence dans le jeu Inscryption
Slides #
Texte #
Avertissement : ce qui suit est un spoiler en mots. Si vous comptez jouer à Inscryption et que vous souhaitez découvrir par vous-mêmes ses mécaniques, je vous conseille d’arrêter ici votre lecture (vous n’y perdrez pas grand chose).
N’étant pas une véritable gameuse, j’aime cependant jouer du texte numérique en explorant notamment ses dynamiques de programmation et d’encryption, et c’est pour cette raison que je me suis intéressée au jeu Inscryption.
Je tiens à le préciser par avance, toute cette communication est un spoiler de l’objet d’étude et elle n’aurait pas été possible sans la riche documentation fournie par les joueurs et joueuses du jeu que je remercie (les ressources sont listées à la fin). Je m’excuse par avance pour les nombreuses découvertes que j’aurai compromis avec ma présentation, en espérant que cette dernière sera une consolation et compensation suffisante.
Mon étude porte sur le jeu Inscryption et la représentation du thème de l’obsolescence que ce dernier développe. Inscryption est un jeu vidéo sorti en 2021, conçu par Daniel Mullins et diffusé par Devolver Digital. C’est un jeu de type deckduilder et roguelike, donc un jeu de carte qui prévoit des tentatives multiples de la part du joueur. J’emploie ici le terme de joueur au sens neutre, comprenant l’utilisateur et l’utilisatrice. Le jeu a depuis mars de cette année une extension dont je ne parlerai pas vraiment ici.
Le jeu débute ainsi :
Le joueur émerge dans un cabane sombre, dans une perspective à la première personne, en face de lui deux yeux apparaissent, ceux de Leshy, une entitée inspirée de la mythologie slave, esprit de la forêt et des bêtes. Une série de parties de cartes s’engage avec cette entité qui va tour à tour porter des masques pour incarner des figures différentes (le pêcheur, le chercheur d’or, le marchand, et d’autres figures). Le but semble alors de battre aux cartes cette entité pour sortir de la cabane dont la porte est condamnée.
Mais l’apparence classique et répétitive du jeu est bel et bien trompeuse : le joueur n’est pas destiné à rester dans cette cabane, il n’est pas non plus destiné à en sortir, c’est vers un tout autre espace que le jeu va le conduire. Il ne s’agit pas d’une simple partie de cartes où le joueur doit développer des abilités de stratégie. Le jouer est appelé à un plus grand parcours, jusque dans les coulisses techniques du jeu et de son histoire, pour réaliser une plus large réflexion sur le fonctionnement des technologies et la place des humains vis-à-vis d’elles.
Le discours du jeu que je souhaite vous présenter ici est en effet bien plus profond et engagé : il s’agit pour le joueur de décrypter ou détruire le jeu soit, dans la narration, de lui faire prendre conscience de l’obsolescence de son propre écosystème médiatique, de lui faire prendre conscience surtout de ce qui se cache en lui, de son encryption.
Je vais tout d’abord devoir vous amener dans la structure de ce jeu de carte qui est une structure de récits enchâssés avec une composante métatextuelle essentielle, dans la mesure où le jeu Inscryption n’a d’autres sujet que lui-même.
Cartes & récits enchâssés #
Inscryption est un jeu de cartes sur une grille de 3 sur 4, le jouer joue sur la rangée du bas, l’adversaire avec un coup d’avance sur la rangée du haut. Et pour gagner, le joueur doit faire perdre 5 vies de plus à son adversaire.
On peut distinguer 4 grandes étapes/actes dans le jeu :
- le premier acte est un combat de carte classique doublée d’une série d’énigmes à résoudre dans la cabane perdue à la façon d’un escape the room.
La fin de ce premier acte inaugure l’entrée dans la backstory du jeu. La bataille finale passée, le joueur se retrouve devant un écran qui ressemble beaucoup à une interface de gestion de documents, où sont listés par dates des captures vidéos.
Et là commence en fait ce qui est une récit-entracte entre le premier et le deuxième acte.
Les archives vidéos en found footage que l’on consulte mettent en scène un youtubeur, du nom de Luke Carder, qui est habitué à se filmer en train d’ouvrir des pack booster de jeux de cartes à collectionner. Dans la succession des vidéos, on le voit en train justement d’ouvrir des packs appartement au jeu nommé Inscryption, un vieu jeu de cartes qui n’aurait été imprimé qu’une seule fois, et découvre un pack en particulier où une carte porte des coordonnées géographiques écrites à la main. Ici commence l’enquête du jeu dans le jeu qui mènent Luke à déterrer à l’endroit indiqué sur la carte une disquette intitulée Inscryption : surprise le jeu de cartes dont Luke est amateur aurait donc été transformé en une version informatique sans que celle-ci ait été répertoriée nulle part. Le lancement du jeu sur l’ordinateur de Luke nous présente une interface de jeu identique à celle que nous joueurs nous avons sur notre ordinateur. Inception d’inscryption.
Lorsque le joueur a visionné toutes les vidéos qui lui ont été mises à disposition et qui retrace ce qui semble être un début d’aventure de Luke, le joueur accède au deuxième acte du jeu : qui se présente cette fois comme la version originale du jeu Inscryption avec une esthétique de type pixel art.
- le deuxième acte présente la mythologie du jeu, et notamment les quatres entités à l’origine des cartes du monde qui sont symbolisées dans le jeu : les quatres Scrybes, Grimora, scrybe des morts ; Leshy, scrybe des bêtes ; PO3 noté avec un 3, scrybe de la technologie ; Magnificus, scrybe de la magie. Dans ce deuxième acte, le joueur doit défier les Scrybes pour prendre la place de l’un d’entre eux
Ce deuxième acte comme le premier se conclut sur un retour aux archives vidéos de Luke, que l’on voit tenter de contacter le développeur d’Inscryption, la société GameFuna, qui lui demande de retourner le jeu. On suit Luke qui enquête et plus il avance plus la disquette qu’il a trouvé semble entâchée du sang des individus qui l’auraient eu précédemment entre les mains et qui auraient tentés de la décrypter.
- Le troisième volet se déroule dans une usine où le joueur affronte PO3, le scrybe de la technologie, qui s’est emparé du code d’Inscryption, qui a pris le pouvoir sur le jeu pour achever ce qu’il appelle la Grande Transcendance sur Internet, soit l’expansion du jeu sur tout le réseau.
Après avoir vaincu le scrybe de la technologie, avoir empêché son plan d’expansion numérique mondiale, dernière entracte qui nous montre la suite de l’enquête de Luke et son assassinat par un agent de GameFuna venu récupérer la disquette
- Le dernier acte est celui de la destruction du jeu - La fin de l’affrontement avec P03 ouvre sur la déconstruction du jeu : pour empêcher les scrybes de nuire, il est nécessaire de détruire les fichiers du jeu. et qu’importe les stratégies du joueur, il ne peut pas empêcher Inscryption de se dés-encoder. Le joue affronte alors une dernière fois les Scrybes en guise d’adieu avec une série de glitch et d’effets graphiques et sonores à l’écran pour théâtraliser la mort technique du jeu.
Voilà pour la structure narrative qui montre déjà un parallèle de récits dont je ne vous présente pas encore les coulisses. Pour l’instant à l’issue des trois actes, le but final de ce jeu métafictionnel ou plutôt ce qui nous semble être son but final nous est dévoilé : Inscryption, le jeu dans le jeu, voulait juste continuer à jouer, à survivre soit à lutter contre la propre obsolescence de son système et de ses mythes. Et ce principe peut se résumer en une phrase : Sacrifice must be made.
Sacrifice Must Be Made #
La formule qui résonne comme une sentence Sacrifice Must be Made est également le nom du premier prototype du jeu, toujours accessible en ligne, lancé par Daniel Mullins en 2018 où on retrouvait le principe du jeu de cartes, son esthétique un peu glauque et le sacrifice comme mécanique centrale. La phrase en tant que tel est très proche de la phrase “small sacrifices must be made”, phrase du pionner allemand de l’aéronautique Otto Lilienthal, après avoir chuter de 15 mètre avec le planeur qu’il avait designé. Il est mort après cette phrase dit-on. Dans les deux idées il semble être souligné dans cette formule la question de la relation entre humain et technique, avec des dynamiques de concession.
Mais cette phrase est bien plus qu’une phrase d’accroche, qu’une marque, c’est un condensé de toute la mécanique du jeu et de sa philosophie.
On retrouve le principe de sacrifice nécessaire dans le fonctionnement du jeu de cartes :
- sacrifice de cartes : poser d’autres cartes est une action placée sous la tutelle d’un sytème de compte de gouttes de sang (où une carte sacrifiée remporte une goutte de sang), il faut en effet détruire des cartes pour en poser d’autres (sacrifier des petites créatures pour en jouer des plus grandes) ; des cartes sont parfois détruites par les boss (changées en or, volées, etc.) ; la·e joueuse·eur peut également supprimer des cartes à l’aide d’artefacts comme le couteur, les ciseaux, etc.
- sacrifice du corps : au cours du premier acte du jeu, la·e joueuse·eur sera amené·e à sacrifier des parties de son corps comme un œil (action qui va bloquer temporairement un partie de la vision et se traduire à l’écran par un espace tronqué) ou des dents qui servent à rééquilibrer la balance.
Ce dimension du sacrifice dans le jeu est portée aussi par la thématique filée forte du corps montré à l’écran, et surtout de sa mortalité : la vie se mesure en dents, sacrifier une carte rapporte des gouttes de sang et des os.
Le sacrifice vituel des parties du corps du joueur s’accompagne d’effets graphiques et sonores très réalistes, d’autant plus impactants que le jeu est en perspective à la première personne.
Mais le corps ici n’est pas seulement le corps physique, c’est aussi le corps technique, soit les données : dans une confrontation précise, le joueur va également devoir choisir des documents précis sur sa machine à sacrifier, à supprimer définitivement. Le jeu déborde ici déjà de son cadre, il a une prise, ou une inscription dans la machine du joueur, il joue avec nos données personnelles.
Des sacrifices sont donc nécessaires pour avancer dans le jeu, mais ce n’est pas seulement pour torturer son joueur, c’est pour lui apprendre justement à lâcher prise sur des choses et lui faire prendre conscience de ce signifie le sacrifice, au sens fort. Plus le jeu avance, plus le sacrifice demandé est grand, on commence par sacrifier des cartes minimes, symbolisé par de petits animaux dont l’écureuils (un équivalent du pigeon au canada) pour finir par sacrifier un dossier bien réel sur notre machine.
C’est un apprentissage de la valeur du sacrifice : à la fin le joueur est dans la position de sacrifier le jeu lui-même, seule et unique issue.
et ce sacrifice du jeu lui même est théâtralisé avec des effets de glitch, des fenêtres indiquant la suppression des fichiers qui constituent le jeu, je vous montre des exemples à l’écran.
Fondé sur le principe de sacrifice nécessaire, le jeu est une entité à part entière, rendu personnage en tant que tel, qui lutte pour continuer à jouer et donc à survivre. Cette thématique mise en pratique, associée à une esthétique mêlant le vintage aux codes de l’horreur (scènes filmées en found foutage), porte un message sur l’obsolescence d’une technologie et d’une mythologie du monde. Inscryption est l’allégorie d’un sacrifice to be made de la transcendance numérique obsolète (conçue comme entité agressive et intrusive à l’image du World Brain de Wells). Face aux entités qui prennent par intermittences le contrôle, le joueur est amené à prendre conscience de son rôle : celui de sacrifier le jeu pour en sortir.
Inscryption cache cependant sa dynamique profonde, sa logique est en effet celle de prendre la technique, ses ressorts techniques comme des éléments narratifs en tant que tels. Et c’est cette dymension du jeu, qui traite de sa propre logique technique, dont je vais parler dans un second temps et qui va nous mener à une fin alternative, tout à fait différente.
La réflexion technique #
On pourrait penser qu’Inscryption est un jeu roguelike classique, mais ce dernier est particulier dans la mesure où il a intégré une courbe d’apprentissage dans sa narration.
Le jeu prévoit nos échecs : la toute première partie ne peut être gagnée, ni les suivantes d’ailleurs, il faut attendre environ entre cinq et une dizaines de tentatives pour parvenir au deuxième acte du jeu : mais ce n’est pas dû à la courbe d’apprentissage du joueur, c’est dû à sa narration.
Il est prévu que le joueur échoue pour débloquer des éléments narratifs. Si le joueur ne respecte pas la temporalité prévue, le jeu triche, il bugue et met le joueur en échec volontairement. Comme pour nous apprendre la patience, le respect de l’adversaire, la valeur du sacrifice mais aussi toute la profondeur que peut avoir l’encodage d’un jeu qui a des apparences somme toutes classiques. L’expérience du joueur n’est donc pas laissée au hasard, la réitération est prévue, conscientisée, modélisée dans le code du jeu. Ce qui signifie que le jeu a prévu ses propres failles, la possibilité que le joueur soit meilleur que lui, que le joueur puisse le « casser ».
La première partie, que le joueur va obligatoirement perdre, débloque notamment la première sauvegarde, et cela permet de souligner une particularité du jeu : son début.
Le véritable début du jeu se situe en réalité bien avant l’émergence du joueur dans la cabane : et même bien avant le menu du jeu, bien avant en fait n’importe lequel de nos choix, l’histoire d’Inscryption débute dès son lancement et le choix qui nous est donné au début est juste un effet de la technique qui se joue de nous et de nos habitudes de contrôle sur la narration.
Cette remarque va m’amener à parler d’une autre récit parallèle, on a l’histoire du jeu, celle que nous crééons par nos parties, il y a l’histoire du jeu dans les archive vidéos que nous consultons lors des entractes, et il y a aussi un autre récit, celui du joueur derrière notre jeu. À plusieurs occasion, une narration s’impose à l’écran, nous empêchant de jouer librement, un récit d’un joueur comme encrypté dans le jeu.
C’est ce joueur qui est au tout début du jeu : et le menu d’Inscryption déjà en témoigne parce que lors de notre toute première partie, l’option “Nouvelle partie” est désactivée, nous sommes en réalité en train de continuer une partie qui a déjà été engagée, une archive d’un joueur fictif. On ne créé en effet pas de nouvelle partie dans un Jeu qui est en phase d’obsolescence, surtout dans un jeu qui semble être en contrôle du début de son histoire.
Jeu dans Jeu #
Le jeu Inscryption parle de lui-même, et cette métatextualité s’étend comme un réseau à travers tous les récits parallèles qui nous sont proposés, il s’agit toujours de se poser la question : « Quel est ce jeu auquel je suis en train de jouer ou qui me joue ? ». Mais Inscryption va même donner l’impression d’avoir une technologie indépendente, d’avoir sa propre liberté et expression technologique.
Le jeu joue en effet avec des dynamiques de bug, de glitch, en les intégrant directement comme une mécanique : comme s’il avait son propre caractère, ses propres suceptibilités.
par exemple : dans la confrontation avec un adversaire, si le joueur a le malheur de gagner l’adversaire en un tour, le jeu lui signale, comme une politique de fair play, et l’empêche de continuer. ET cela va m’amener à parler de l’autre jeu dans Inscryption, du jeu qui est en contrôle des narrations.
Je vais vous parler du scénario des OLD_DATA, soit du jeu dans le jeu.
Comme le titre le montre par son orthographe, Inscryption avec un -y est un mélange entre l’inscription et l’encryption. L’inscription parce que tout est histoire de lettres, de cartes, des coordonnées, d’écritures, d’archives, et de versionnements informatique. Encryption parce que ces inscriptions ont toutes un sens cachés, une double face, une autre strates d’écriture et de lecture. et le jeu de cartes a lui-même une face cachée, ce que j’ai nommé le jeu dans le jeu.
En effet, sans plus de suspens, Inscryption est un ARG ou Alernative Reality Game soit un jeu en réalité alternée. C’est à dire qu’il va mettre à profil de monde réel pour amener le jouer à une autre narration. Un peu comme une chasse au trésor grandeur nature, un jeu de piste, où les indices sont ici des clefs d’encryption. Le créateur aime en effet dans toutes ses créations brouiller les cartes si on peut dire. Alors comment cette facette du jeu fonctionne-t-elle ?
Dans les fichiers du jeu, se trouve un dossier nommé OLD_DATA qui contient un texte illisible : au sens d’une suite de lettres et caractères qui ne fait pas de sens. Le contenu du document a été encrypté ou chiffré : c’est-à-dire que le message du média a été transformé en cryptogramme à l’aide d’une clef de chiffrement. Ces clefs sont aussi appelées chiffre ou cypher.
Exemple : si je vous donne la suite de lettre « », et que vous découvrez que ma clef de chiffrement est 3, cela veut dire que pour obtenir le mot mystère, les lettres ont été déplacées de 3 positions dans l’alphabêt, ce qui vous donne le mot « inscryption »
À l’image de la machine Enigma que craqua Turing et son équipe, ce n’est pas un simple code que présente Inscryption, il demande pas moins de 7 clefs de chiffrements à trouver, qui ne sont pas des chiffres, mais des suites de lettres, clefs qui peuvent parfois se composer de 3 composants.
Les cyphers du jeu, le joueur doit les chercher dans le jeu lui-même,
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dans des codes binaires
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dans le générique qui indique beeper, soit un moment du jeu où des bip sont entendus et ces bips doivent être décodés en code morse
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dans les images d’archives vidéos
mais également ailleurs et c’est là où Inscryption est un ARG et déborde de son propre cadre narratif :
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le joueur devra chercher dans d’ancien jeu développé par Daniel Mullins le créateur d’Inscryption, mais cela va également dans des commentaires laissé par celui-ci dans des forums, commentaires datant de 2017…
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et même aller creuser là où Luke carter est allé déterrer la disquette maudite, pour trouver : des disquettes, l’endroit était à Vancouver et les personnes qui ont été creuser ont réellement trouvé des disquettes contenant une des parties des 7 codes.
Je passe les péripéties que demande cette quête au clef, qui a d’ailleurs bien documentée dans les vidéos des joueurs eux-mêmes.
Le document une fois déchiffré offre des informations sur l’histoire du jeu, sur ce qui a été encrypté dans Inscryption. Elle explique pourquoi la remédiation des cartes papier à l’écran semble invasive. La remédiation a été corrompue.
Dans ce mode parralèle de jeu, il est révélé que le code que contient le jeu est un code appelé Karnoffel qui serait un algorithme informatique, qui mêle le jeu de cartes Karnöffel (plus ancien jeu de cartes europeen identifié à ce jour) et des principes de sciences occultes. Le code encrypté aurait été caché sur une disquette sur laquelle aurait été surinscrit le jeu d’Inscryption, le premier code, comme un palimpseste, la première écriture serait donc à la source d’une corruption du jeu comme de sa pérennité. Le jeu serait une couverture pour la diffusion de ce code.
Ce document est intéressant parce que dans l’histoire du jeu, il est ce qui corrompt le jeu, créé son dysfonctionnement, créé sa folie, le fait déborder sur la réalité. Et c’est pour cela que dans un dernier temps je vais parler d’une icone particulièrement importante dans le jeu mais également reliée à la question de l’obsolescence.
Dans l’ensemble de sa narration, du premier combat en face d’une divinité associée au monde nature et sauvage, jusqu’au denier combat face à une entité associée au monde technologique, le motif récurrent est celui de la disquette qui est l’incarnation d’une technologie qui perdure, qui demeure dans le monde, sur laquelle on peut surinscrire et encrypter des secrets à enfouir ensuite dans une forêt canadienne.
La disquette c’est pour nous le symbole de la sauvegarde dans les interface un peu datée ou ayant décidé de conserver ce marqueur un peu nostalgique d’un mode de conservation d’informations.
C’est aussi le média de surinscription : permettant ainsi à des informations de temps, d’émetteur et de propos complètement de cohabiter dans un même modèle de pérennité.
Cette icône désigne aussi dans le jeu le média de conservation du véritable jeu, c’est aussi ce qui était rééellement enterré dans une forêt de vancouver et contenant une partie du code : et ça m’amène à parler pour finir de la dernière énigme du jeu :
dans leurs quêtes d’indice les joueurs sont parvenus à une plateforme en ligne, plateforme écran qui apparaît comme celui d’une entreprise de stockage, et qui demande de renseigner une adresse. Les trois premiers joueurs parvenus à cette adresse ont renseigné leur adresse personnelle et ont chacun individuellement reçu un colis. Après la visite des trois joueurs, le site ne permettait plus de renseigner d’adresse. Qu’ont-ils reçu ? pas la visite d’un agent armé heureusement, mais ils ont chacun reçu une disquette, contenant chacune un code différent. Le jeu a demandé aux joueurs d’adapter leur machine pour lire cette disquette.
Il a fallu que les trois joueurs diffusent chacun leur bout de code pour parvenir à la résolution finale, la vraie fin d’Inscryption.
On se rappelle de la fin sur la destruction du jeu, ça c’est la fin pour, disons-le, le commun des mortels, la véritable fin est tout autre puisqu’elle mène à une url : qui est une vidéo youtube qui n’a pas été répertoriée, et qu’il est donc impossible de trouver sans l’url, et qui par son contenu indique que la grande transcendance a eut lieu : soit que le code corrompu du jeu s’est téléchargé sur le réseaux, ce qui le laisse penser comme inarrêtable, ce qui boucle la boucle en quelques sortes, parce que nous joueurs n’avons pas eu accès au jeu par une disquette mais en le téléchargeant en ligne.
Cette fin signifie aussi que l’obscolescence dans ce principe concerne une plus grande échelle technologique.
Ce qui lutte contre et parvient à échapper à l’obsolescence dans Inscryption, c’est l’encryption, ce qui lutte contre le passage du temps, c’est aussi l’encryption, c’est pourquoi le jeu mêle des dynamiques très différentes s’adressant au grand public comme au grand technologique, c’est pourquoi il semble créer dans sa narration des croisement entre des mythologies, des anecdotes technologiques, des nostalgies médiatiques et des dynamiques collaboratives avec ses joueurs.
Conclusion #
Le scénario d’apparence classique d’Inscryption est en réalité la vitrine d’une histoire bien plus complexe. Il ne s’agit pas réellement d’un jeu de cartes bien que toutes les mécaniques semblent mues par les victoires et les défaites du joueur. Le jeu auquel on joue a toujours le pouvoir sur son histoire et cette histoire consiste justement à en révéler les coulisses narratives, médiatiques et technologiques pour questionner aussi en creux nos rapports aux objets technologiques, nos sentiments de nostalgies vis-à-vis d’eux, nos usages d’encryption chargés d’histoires, notre réflexe plus proche de la consommation de ses matières multiples que du sacrifice.
Ressources #
Site premier jeu : https://dmullinsgames.itch.io/sacrifices-must-be-made
Site officiel : https://www.inscryption.com/
L’énigme ou la quête des cyphers a été documentée avec plus de précision par la communauté des joueuse·eur·s dont je cite certaines vidéos qui m’ont aidé à la rédaction présente : par Sifd, par Flemmonade, par DevolverDigital.
Prochainement : article tiré de la présentation à paraître sur la revue Sens public