Ajout n'est pas inclusion
Lisant à petits feux l’ouvrage de Tara McPherson Feminist in a Software Lab, j’ai été marquée par une de ses réflexions.
Marquée du genre obsessif
comme si j'avais adopté un nouveau chat,
comme [MVR](https://vitalirosati.com/) avec le « Matter Matters » de Barad (2007),
Je radote à qui veut l’entendre cette même formule « Ajout n’est pas inclusion ».
Tara McPherson n’en fait pas un slogan, elle le ne dit pas mot pour mot (dommage)1. C’est en parcourant son argumentaire que cette formule s’est imposée avec la même force qu’une épiphanie : en effet la précision peut paraître aller de soi mais elle est importante à rappeler.
Cela ne veut pas dire que l’ajout n’est pas bon, qu’il est à oublier totalement, cela veut dire qu’il ne suffit pas, que, s’il est considérer comme l’unique manoeuvre pour penser l’équité, il cause alors plus de tord à l’inclusivité qu’il ne fait de bien.
Cas de figure (issu de McPherson) #
Contexte : J’ai une base de données sur la littérature du XIXe siècle composée exclusivement d’auteurs-hommes.
Action : J’insère des noms d’auteures-femmes dans cette base de données.
Autre cas de figure (issu de Moi-Même) #
Contexte : J’ai une équipe de recherche dans un laboratoire en humanités numériques composée d’une majorité d’hommes.
Action : J’embauche des femmes dans mon équipe.
Résultat : des noms et des données en plus #
Dans les deux cas de figures, il s’agit de faire grossir les données, de les diversifier,
d’ajouter des « oups » : à l’époque de la constitution de la base/équipe, l’inclusion n’était pas un critère.
Entre dédouanement,réparation et combat contre le sexisme technique et son héritage, la distinction n’est pas simple et nous manquons de plus de grille pour comprendre les implications de chacunes des motivations.
Le quoi faire théorique #
Considérer l’ajout comme solution acceptable et suffisante à la question de l’inclusion est une manoeuvre qui détourne du but réel, qui fait perdre de vue l’objectif véritable.
Ce n'est pas une question de nombres, de données représentatives,
C'est une question de modèle.
Il ne s’agit pas d’ajouter des briques là où elles n’ont pas été prévues dans l’architecture, mais de repenser les fondations de l’édifice pour penser l’assimilation de ces briques dans la structure d’ensemble.
L’inclusion n’est pas juste l’équilibre entre un côté de la balance qui n’aurait pas eu pendant longtemps sa place sur la photo.
Pour l'inclusion et l'équité, il ne faut plus utiliser balance.
Il faut questionner et repenser le modèle à l’origine de la base de données.
Il faut repenser ce que veut dire faire équipe au début du laboratoire de recherche.
Comment faire inclusion sans tabula rasa ? #
Sans être prescriptive, sans confirmer une seule et unique manière de penser le problème, sa résolution se pose peut-être d’abord dans un mouvement de rétroaction : ralentir l’action de développements et d’enrichissement de l’objet pour observer ses mécaniques.
Pour relier cette réflexion à la question des petites mains, il me semble que la problématique est équivalente : il ne s’agit pas juste de nous réhabiliter dans un écosystème (nous y sommes déjà, c’est nous qui structurons vos textes), il ne s’agit pas seulement de nous reconnaître comme déterminantes, agissantes (nous le savons que nous le sommes, et de nombreux travaux s’efforcent déjà de vous le démontrer), il s’agit de repenser le cadre de départ pour que cette composante soit prise en compte à la base.
De plus, techniquement, c’est tout à fait valable : les données nouvelles démontrer une structure différentes, actualisées, selon de nouveaux modes de nomenclature, de nouvelles valeurs : les joindre en patchwork à l’ensemble n’est pas cohérent, même pour les anciennes données, il faut repenser leurs métadonnées.
En écho Le manifeste et la suite de la suite
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Dans la lignée du Matter Matters, elle aura cependant la sentence suivante : Difference matters. ↩︎