Ici
le temps
des mots
est compté
::

La soutenance

Slides #

ouvrir dans mon navigateur

Texte #

Remerciements #

J’aimerai commencer par remercier les membres du jury présents en chair ou en ligne, les remercier pour le dialogue à venir et reconnaître par là même un privilège qui est le mien aujourd’hui : celui d’avoir un espace-temps partagé pour parler de ce qui a animé mes neurones et mes nuits, celui de pouvoir en recevant d’autre échos que ceux de ma voix parvenir à clôturer une thèse ou à en réalité la faire advenir.

Je remercie aussi et salue les personnes présentes, même celles arrivées par hasard ou accident. Je l’ai déjà dit, on ne peut pas co-signer une thèse mais ce que l’on peut faire c’est reconnaître le caractère fondamentalement collectif de nos idées. C’est ce que je fais dans la thèse, en assumant les multiples humanités comme les outils qui ont entouré, traversé, fait émergé des réflexions. Ce discours sous mes doigts, devant vous ne fait pas exception, il émerge selon les mêmes conditions et incidences.

Accroche #

Ce discours qui est à l’image de la thèse et de l’épaisseur dont elle traite et cela aux mots près, je l’ai fait, refait, défait dans ma tête de nombreuses fois sans le noter ailleurs que dans le moment d’un lieu

        un chemin enneigé pour rentrer chez soi, 
        un train à l'arrêt, 
        un bus embourbé de chaleur, 
        un café-cigarette sur le trottoir 

Ce discours, qui m’a trotté comme un cheval en tête, a été meilleur et pire bien des fois.

J’avais imaginé de multiples et dérogeantes performances pour mettre en pratique le propos de la thèse une fois encore.

        une fois encore
        une dernière fois peut-être

De ces imaginaires démonstrations de l’épaisseur, il reste en rescapée une phrase, une sentence qui se veut dans le même esprit d’insolence et d’humilité.

Cette thèse sur l'épaisseur est plate. 

Je m’explique.

Mais avant j’aimerai retracer son émergence, puisque c’est mon obsessive archéophilie que de plonger dans les conditions d’émergence du fait littéraire. Aujourd’hui autant plonger dans celui qui a fait émerger la thèse.

Si plusieurs personnes ont déjà lu ou parcouru la thèse, membres du jury ou personnes qui m’aiment suffisamment pour me lire pendant 400 pages, je vais la résumer une nouvelle fois.

Parcours #

Lorsque dernièrement, j’ai été faire reconnaître mes diplômes français à l’ambassade, la secrétaire, devant mes trois masters/maîtrises, m’a regaré comme si elle sniffait la fraude au dossier, mais cela aussi je peux expliquer.

Dans ma première formation, Lettres classiques, on m’a appris le fait littéraire au temps antiques,

    et après il en advient quoi ? 

alors deuxième formation, Lettres modernes, et on m’a appris le fait littéraire au temps modernes et contemporains,

    mais après que devient-il ? 

alors troisième formation, Humanités numériques, on m’a appris le fait littéraire aux temps numériques, dans ces environnements du tout écrit qui sont ceux de nos pas, de nos peurs, de nos achats, de nos engagements, et de nos relations.

Mon parcours est une poursuite et, finalement arrivée au doctorat, j’ai compris en quoi consistait cette traque.

Ma poursuite est celle d’une question, ou plutôt d’abord d’un pressentiment, quelque chose qui manque, qui n’est pas tout à fait entier.

On m'a dit : Sophocle s'est assis et a écrit, et ainsi fut Antigone.
On m'a dit : Hugo s'est assis et a écrit, et ainsi furent les Misérables.
On m'a dit : Flaubert, Balzac, Proust se sont assis et ont écrit. 
    et même Woolf s'est assise et a écrit. 
Et ainsi fait-on littérature comme un art de l'assise et de la plume. 

Mais cela ne m’était pas pas suffisant :

    *sur quoi* tous ces discours portent-ils ? concrètement ? *sur quoi* se posent-ils ? 

La contingence du fait littéraire que je préssentais comme un sentiment d’ombre au tableau des lumières intellectuelles, n’a pas d’époque, elle n’a pas de support, elle n’a pas de territoire : elle émane en tout temps

        comme le diable. 

Question de recherche #

Ce qu’il me reste de ces formations universitaires, ce n’est pas la 5e déclinaison latine, la phonologie de l’ancien français ou bien les bonnes pratiques d’indentation du code

    surtout pas les bonnes pratiques

Ce qu’il me reste c’est une question de recherche, celle que la thèse est parvenue à formuler après plusieurs louvoiements.

Liant mon parcours universitaire en une recherche de l’émergence, la question poursuivie a des allures assumées de régression :

« et dis, comment on fait les textes ? comment on fait la littérature ? »

Ma conviction est celle de dire que le fait littéraire ne peut se résumer au style, au fond,

    à victor, 
    marcel, 
    gustave, 
    honoré 
    ou même virginia. 

Non, Emma n’est pas gustave, pas à lui seul même si gustave écrit et crie aussi.

Emma c’est aussi et surtout les plumes de gustave dont se moque Du Camps parce que ce sont des plumes d’oie et non des plumes d’acier.

Ce qui fait La recherche de madame chagrin bovary-dalloway misérable et perdue

c'est le fait de se voir refuser l'entrée dans une bibliothèque 
        parce qu'on a traversé de biais un gazon 
        et parce qu'on est une femme surtout, 

c'est la fortune familiale qui permet de rester rentier 
        et d'engager, comme secrétaire particulier, un serveur au Ritz 
                qui nous plait bien,

ce sont les mauvaises chandelles qu'on utilise 
    et qui finissent par rendre nos yeux aveugles, 
c'est la machine qu'on adopte alors pour pouvoir continuer à écrire 
    et qui est si délicate qu'elle casse sous ses doigts,
ce sont ces secrétaires qu'on engage en remplacement, 
            femmes de ménage et de coeur
        qui livrent sur le pas des portes fermées du génie 
            le salaire des mains 
        et qui le déposent doucement pour ne pas déranger l'écriture en cours, 

c'est le feu qui chauffe les genoux, 

ce sont les chaises qui permettent l'assise, 

Ce sont toutes les autres mains et toutes autres touches qui n’écrivent pas mais qui se chargent de besognes pour que les mains littéraires puissent écrire.

C’est ce que Bourdieu, qui n’est pas cité dans la thèse mais qui aurait pu l’être, désigne comme la singularité d’une expérience au-delà des lois que la littérature peut bien vouloir revandiquer.

changer la focale de l'exclusivif littéraire, 
        la détourner un temps ou durablement du sacré 
            pour la rendre accessible à nos mains et à nos mots, 

Ma démarche a ceci de commun à une sociologie bourdieusienne que de comprendre ce qu’il se passe pour la littérature de l’intérieur,

    de m'enfermer dans les pièces avec marcel, victor et virginia 

sans oublier que ces pièces ne sont pas capitonnées de solitude ou d’ivoire, qu’elles sont poreuses, qu’elles sont intra-actions pour reprendre le terme de Barad.

Les images de l’auteur solitaire, de la tour d’ivoire, du génie qui est un pied dans le divin et l’autre dans la mortalité des pauvres gens du commun, sont autant de figures, d’a-prioris des sciences humaines comme le dirait Kittler, qui servent à justifier l’ineffable, l’abstraction, la transcendance, l’idéalité d’une expérience de la littérature, « l’échappée par définition de la connaissance rationnelle » pour citer encore Bourdieu,

mais ces prétentions n'aident pas à comprendre ce qu'il s'y passe. 

Je ne dis pas, et je le précise, que les voix classiques des études littéraires n’ont pas leur légitimité, je dis qu’elles ne sont pas exclusives, que le modèle d’émergence du fait littéraire qu’elles proposent ne peut faire remparts aux secrétaires, aux petites mains, aus chaises et aux choses, à une connaissances concrète de ce qui porte ces discours.

Les environnements d’écritures, support ou média, déterminent l’écriture – c’est le postulat de la thèse qui poursuit cette approche au point de se demander même si l’écriture existe en dehors/sans ces derniers ou si les deux existent séparemment.

Ma réponse est celle-ci : dans le discours, on distingue

par raccourcis, aporie, aveu ; 

mais la réalité des choses est qu’il n’y a pas fond et de forme, seulement un tissage de relations, ce que l’on peut appeler stigmergie, conjonctures, intra-actions, et ce que je désigne par compositions de rapports.

Ma thèse porte ainsi sur ce qui vient déterminer le fait littéraire, le faire exister comme réalité culturelle : ce qui implique une temporalité souple, un papillonemment entre les corpus, une approche comparatiste entre les médias.

La thèse propose et incarne (j’en parlerai juste après) une méthodologie :

  • par l’exploration de genèses, de fabriques, de coulisses d’oeuvres littéraires

      les plumes d'oies de Flaubert, 
      mais aussi les esquisses de Ponge, 
      la quête du geste de Michaux, 
      l'aventure de Nietzsche, sa délicate machine et ses secrétaires (cité dans cet ordre volontairement)
    
  • par l’analyse de dispositifs éditoriaux

      les casses d'imprimerie de Balzac
      les labyrinthes oulipiens
      les hypertextes de Jackson
      la page infinie de Carson
    

mais également par la présentation de projets d’édition auxquels j’ai participé comme celui de l’Anthologie grecque porté par la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques et qui n’a, à la déception de mon directeur, jamais été le sujet principal de ma thèse mais dont je ne peux nier l’importance dans mon cursus doctoral.

Tous ces contextes d’écritures sont pris comme des cas d’étude pour observer les incidences, toutes ces ombres aux tableaux qui mettent en relation une écriture, qui la font même être relation.

La thèse redéfinit les contours du fait littéraire en proposant plusieurs entrées :

Fabrique, partie consacrée à une approche du faire et qui va autant décrypter une notion aujourd’Hui à la mode des études – également décryptée dans la thèse d’Antoine Fauchié qui a brillamment soutenu ce matin même, montrer que cette notion est elle-même une fabrication théorique et largement masculine, qu’elle va s’approprier cette notion pour le cas de la littérature, de l’édition et de l’écriture même de la thèse.

Média, qui est la traversée des pensées des médias, qui ont décliné les pistes, les images mais aussi les impasses à leurs propres sujets d’études pour interroger les limites d’une littérature scientifiques dans ses discours et imaginaires.

Machine, qui est le moment de la mécanique d’une littérature, du balancement entre humain et non-humain, le moment de questionner la place des machines d’écriture et de questionner le rôle d’une littérature quant à l’imaginaire des machines.

Page, certainement le moment le plus doux de la thèse, qui fait s’articuler une histoire des supports avec plusieurs explorations du blanc, de la trace et de la ligne pour repenser la littérature comme un pay/sage ou pay/page.

Matière, qui s’attarde aux corps et caractéristiques physiques et revient sur la question du geste d’inscription, de ses déclinaisons dans plusieurs projets littéraires.

Cinq extensions donc, comme les 5 doigts d’une main, pour saisir l’épaisseur de l’écriture

Cette épaisseur, elle est culturelle, elle est éditoriale, elle est poétique, elle est ontologique, mais elle est aussi la densité d’une écriture dont la lisibilité fait, parfois volontairement, défaut, et d’autre fois échappe à ma propre intentionnalité.

    ton de l'essai
    lyre lourde 
    phrases en apnée
    métaphores et autre tropes acceptés jusqu'à l'invasion

L’expression vise à intercroiser les liens, à dire la peine que peut avoir le discours à vouloir tout prendre.

Sur ces phrases, il faut passer, et, je le sais, repasser plusieurs fois, de biais, de face, à rebours, de travers et au travers même.

Méthodologie #

Je l’ai dit la thèse incarne sa propre défense, met en pratique ce qu’elle dit. Et pour ce faire, j’ai élaboré une méthodologie bien particulière et radicale.

Dans les paysages habituels de la recherche et création, ce sont deux objets qui sont présentés et produits,

comme Janus,
    une tête regarde vers des traditions de la recherche
    et l'autre vers les caractéristiques de la création 

Or ce n’est pas le choix qui a été fait ici. La recherche-création de ma thèse est un défi de l’unité, ce qui signifie que dans le travail produit, documenté, élaboré, il n’y a pas recherche d’un côté et création de l’autre mais un seul et même objet qui tisse, qui compose les rapports entre des analyses, des narrations, des exemples, des explorations.

Proche du thinking through making de Tim Ingold, approche qui ne place pas la pratique à la suite de la pensée mais la pensée comme émergeant de la pratique, la thèse est un entanglement, enchevêtrement où faire et pensée ne sont pas dissociable dans la réalité de l’écriture.

    ratures volontaires, 
    sortie de cadre et de route, 
    désorientations de la marge, 
    échappées du texte, 

Ces élements, qui peuvent paraître comme des jeux, ne sont pas artificiels, ils ne sont pas un vernis mais constituent les noeuds d’un bois.

À ces mises en page et en paysage, s’ajoute ou même s’impose le site de la thèse appelé Paume.

Ce site n’est pas juste un espace de diffusion ou une démonstration à partir de connaissances, il est le lieu de la thèse, il est le lieu d’une recherche qui a été conçu pour développer une écriture en cours d’écriture.

Et le PDF final qui aura été officiellement livré, qui a été édité à la demande d’une administration, administration qui aura tout de même eu la gentillesse de ne pas me forcer à produire un fichier au format DOCX, ce PDF n’en reste pas moins une remédiation de la PAUME. Il a été édité dans ce qu’il pouvait transmettre de la structuration du site, et dans ce qu’il pouvait déroger face à des normes de présentation.

Créations #

Les explorations techniques que proposent la thèse sont multiples : de programmations poétiques comme le programme qui permet de générer des calligrammes après avoir renseigner les coordonnées pour le passage du texte et qui dans la partie du Média permet de décliner les images lovées dans les théories et ce, jusqu’à l’épuisement de l’analogie, de la théorie ou du programme ; des compositions qui explorent également les porosités entre les médias (la refonte d’un volumen à l’écran ou une édition hypertextuelle d’un Coup de dès jamais n’abolira le hasard qui insère des mouvements de vague sur une page unique et navigable) ; des jeux de présences et d’imaginaires comme pour la coïncidence entre Resa von Schirnhofer, Meta von Salis, Hélène Druskowitz, Lou von Salomé et Par delà le bien et le mal, ces dernières ayant travaillé avec Nietzsche à son écriture.

Toutes ces explorations que l’on serait tenté de prélever comme des mailles structurent le propos, lui donnent racines, confrontent les discours à des pratiques concrètes qui parfois mènent, sans que ce soit totalement innocent, au détournement.

Faire et écrire #

J’ai affirmé à plusieurs reprises, et face à l’impatience plus que compréhensive de mes directeurs, que je n’écrivais pas ma thèse, que je la faisais.

Et c’est bien de cela dont il s’agit : de considérer que l’écriture n’est pas le fait exclusif de l’inscription, mais n’en est pas moins matérielle et incarnée.

Le faire que je désignais dans mes réponses ou mes esquives, est le faire d’une écriture. Une écriture qui a pris le temps de travailler les alentours de la recherche, les frontières de ce qui est habituellement pensé comme littéraire, qui a divagué même parfois aux frontières du principe même de frontière.

Et cela pour développer des pratiques, des pratiques qui ne sont certainement pas toutes bonnes ou recommandables, qui ne luttent pas pour recouvrer une écriture mais qui au contraire explorent la friction avec ce qui fait défaut à l’intention, à l’exclusif, à l’exception, à l’individu, et qui au passage, permettent de remettre le génie littéraire là où il me semble appartenir, le remettre dans sa tour capitonnée de solitude pour qu’il nous laisse travailler tranquilles,

Pendant les années de doctorat,

    j’ai écrit des demandes de subvention, coordonné une revue, 

    ajouté des virgules, enlevé des points parce que j'aime les phrases longues, 

    j’ai fait des git push et beaucoup trop de merge sauvages, 

    j’ai masculinisé mon nom dans l’échange de courriels pour avoir de l’autorité, 

    j'ai fait face à cette image de secrétaire 
        que l'on me colle dans le dos comme un poisson d'avril sans que je le sache, 

    j'ai cassé un outil d’édition en sciences humaines 
        que des hommes avaient construit, 

    j'ai couru dans les couloirs, j’ai fait du bon mauvais café.

Et toutes ces gesticulations pourraient ne pas sembler de proche ou de loin liées à ma recherche, à la littérature, à mon sujet

    et pourtant...

Des expressions entendues en réunion, témoignant d’un sexisme technique latent, de la demande de subvention qui est peut-être le niveau le plus concrêt, le plus contraignant, le plus chronophage de notre fabrique universitaire et qui témoigne bien de cet impératif productiviste, jusqu’à la cafetière qui accompagne les neurones et les nuits, ces réalités sont elles-mêmes le brut, le bruit, la densité des réalités de l’écriture.

Faire l’enquête de la littérature, avoir scruté au-delà de l’objectivité présumée des discours, cette méthologie a permis de révéler que l’intentionnalité n’est pas aussi solide, aussi stable, aussi capitonnée que cela.

Alors où arrêter quand on porte la littérature dans son dehors, que l’on retourne son enveloppe et qu’on la met à l’air nu ? Où arrêter l’excavation ? et comment justifier que l’on arrête le regard à un bord précis d’un cadre, même alternatif, lorsqu’on a justement critiqué le cadre précédent, que l’on s’est engagé à la suite de Kittler dans un exorcisme des sciences humaines ?

    Quand arrête-t-on de chercher ce diable en tout temps ? 

Pour reprendre la sentence de Kittler, très présent dans cette thèse, et qui est mis en relation avec Nietszche, si aujourd’hui nous nous avouons ne plus écrire, si nous reconnaissons que nos outils d’écriture écrivent, avec nous, à notre place, au travers de nos prétendues intentionnalités, la question n’est pas tant celle de savoir comment écrire ou recouvrer une écriture, mais plutôt de se demander si nous l’avons au fond jamais fait, écrire.

Ou avons-nous depuis toujours mis et été mis en relation avec/en tant que compositions de rapports qui donnent une écriture ?

Perspective #

Dans cette perspective, ce qu’il reste de la thèse, ce qu’elle a apporté hormis rides en plus et points de vision en moins, c’est une toujours grandissante obsession des mains, à laquelle ne dérogent pas mes recherches des jours prochains puisque consacrées à la notion de « petites mains ». Notion qui projete une recherche-action pour repenser le modèle épistémologique des humanités, de nos humanités, et notamment la frontière entre humain et non humain, pour laisser entrer l’autre incident, l’altérité dans cette ronde sérieuse et intellectuelle.

Conclusion #

J’ai affirmé au tout commencement de la thèse que cette thèse n’est pas une solution.

J’ai affirmé au tout dénouement de la thèse qu’elle est un noeud.

Dans ce noeud, l’intentionnalité humaine, l’idéale identité, la pure écriture, ne sont que des fils tissés d’une tapisserie qui ne suffisent pas à démêler le réel.

Je dis aujourd’hui que cette thèse si épaisse qu’elle veuille être, elle est aussi plate.

Non pour des raisons ontologiques, ce serait paradoxe et un parjure, mais selon un modèle épistémologique qui est celui des humanités, de nos humanités. Écrire est aussi mettre à plat, écraser sous le poid d’un nom, tasser dans un temps, comprimer dans une matière, la scandaleuse densité d’un travail.

Dans la généalogie de la thèse, le cheminement n’a pas été linéaire, il n’a pas été propre au deux sens du terme puisqu’il a eu des impasses, des casses et des refontes mais il a aussi eu des aides extérieures, des collectifs et des communs. Et nos schémas de discous me semblent insuffisants pour retranscrire toutes ces strates.

L’écriture au sens de ce que l’on constate, l’écrit, le produit des page que l’on lit parce qu’on est relectueur, évaluateur ou ami, la thèse est alors plate face à l’épaisseur des choses qui ne sont pas des choses mais des relations.

On pourrait me demander :

    Est-ce que Margot s'est assise et a écrit, et ainsi fut ? 

Non.

Mais c’est ce que l’on fera semblant de croire

    juste pour le jeu, le raccourci, l'aporie, ou l'aveu.


    et ma voix, 
        comme avant mes doigts d'écrire, d'assoir, de dire, de traverser de biais le gazons des hommes, 
    se referme sur la paume. 

Tous les contenus de ce site sont sous licence CC BY-NC-SA : Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions.

rss feed orcid twitter courriel orcid internet archive CV