Éloge des Faunes (respectueux)
Ce post est destiné à déboulonner un principe de certitude de la recherche, il court dans la même veine que Scientificité & Créativité sont des mots à bannirÀ écrire et Insolence & HumilitéÀ écrire.
La deuxième partie de ce post est un témoignage que l’œil peut sauter comme un mouton à sa guise puisqu’il ne comporte pas d’informations croustillantes sous la dent.
Les heureux et les autres #
Je le dis et le re-écris tant que cela est possible pour déculpabiliser certaines thèses têtes candidates au doctorat, un sujet évolue au gré et malgré toute bonne volonté de cohérence et de ligne droite. Certaines thématiques, angles d’approches, intérêts ou hypothèses de recherche sont tels qu’ils sont à domestiquer sur la durée, comme certains chats.
Heureux sont ceux et celles qui passent les portes du séminaire doctoral sachant déjà sur quoi écrire des navets pavets, ceux et celles dont les mains n’ont au fond plus qu’à potager potasser, tourner les pages d’ouvrages, écrire des lignes, ceux et celles qui peuvent commencer à écrire leurs thèses sans la faire.
Heureux car ils n’auront pas à se salir les mains, leurs consciences comme écritures sont au propre et en police 12 Times New Roman :
un titre bien littéraire avec un jeu de mots/maux,
un corpus délimité comme une place de parking,
une question de recherche claire qu'ils peuvent énoncer avec une force qui prend les tripes de l'auditoire,
une angoisse de la performance qui sait déjà sur quelle branche se poser pour nicher.
À ceux et celles là, il ne leur reste qu’à écrire.
Aux autres qui n’ont
ni titre ni je(u) de mots,
mais des maux et des questions,
qu'un corpus ouvert comme une place publique,
qu'une question qui ne sais pas se poser,
que des lianes provenant de plusieurs boutures,
N’angoissez pas, il vous reste le meilleur de la thèse : la recherche de sève sens.
cette quête d'une idée qui se joue au dès,
dans un bain, un métro ou sous un arbre aux fruits trop mûrs,
devant un verre, une tasse, un sot.
{{.conseils}}
Faîtes comme le Faune respectueux
qui renonce à courser les muses pour courir après lui-même.
Faîtes meute avec des enfants aussi perdus que vous.
Trouvez-vous un coin où tatônner dans le noir.
Gardez en tête la Louve anglaise
qui parlait de ses chambres à soi
dont on a encore besoin au-delà des espaces dont les cloisons se multiplient autour de nos écrans.
Partez de rien, pensez la déconstruction d’un système pour la fabrique du vôtre, trouvez votre
Errance fertile #
À l’origine du Blank, un besoin :
une recherche de l'espace où planter son crayon, poser sa chaise et son tricot,
une flânerie d'un environnement à un autre pour formuler, reformuler, détricoter,
une quête entre des formats, des qualités, des limites, des papiers peints.
Écrire, c’est d’abord chercher où le faire1.
Écrire, c’est cherche sur quoi le faire.
tâcher d'encre des pages pour revenir au blanc,
chiner les problématiques,
sonder des abysses bien trop jargonnantes.
Un chercheur pour être prêt à écrire, il cherche d’abord
pour ma part,
je suis le produit de la danse d'un métronome,
qui a oscillé longtemps entre 3 sujets et 1 complexe.
{{.temoignage}}
Témoignage d’une Faune #
La guerre de Troie ne se joue plus aux murs de la cité avec des lances face à des ennemis aguerris, mais sur un rivage escarpé, [..] avec les armes de la ruse, des sentiments et de la menace, soit de la parole détournée, face à un ennemi dont l’entêtement et la folie sont les dernieres défenses. (extrait de mon mémoire - jamais publié)
Continuité avec mon premier mémoire (Lettres et Civilisations latines et grecques - Université Lyon III)intitulé Les Îles de Philoctète, je pensai pouvoir venger le nom d’un personnage oscillant entre bestialité et humanité, douleur et guérison, départ et immobilité
cet homme putride au pied de la lettre,
laissé pour mort sur une île,
trahi par un héros bien trop prétentieux pour être fiable.
en proposant un projet qui lie les deux lettres de mon cursus (classique et moderne) autour de la question de l’édition savante de corpus anciens et des réécritures qui en découlent.
Entichée du mythe de Philoctète, le corpus devait rassembler les réécritures du mythe2.
Je ne livrerai pas ici le descriptif de ce premier projet, car bien trop immature, mais je reconnais son intérêt : mince tentative de comprendre les lianes entre techniques et discours, entre méthodes et textes, le modèle du savoir était là – si loin si proche – était cette clef au maigre dents pour structurer une réflexion générale sur une Littérature (au-delà des démarcations dogmatiques par époques classiques, modernes, contemporaines)3.
Sentant le souffre d’une étude qui ne m’irait pas, je passais avec peu de transition à une réflexion aussi barge large qu’encombrante : qu’est-ce-qu’une œuvre littéraire numérique ?
qu'est-ce-qu'une œuvre littéraire numérique ?
qu'est-ce-qu'une œuvre littéraire numérique ?
qu'est-ce-qu'une œuvre littéraire numérique ?
Genette à tout va, je slalomais entre des théories qui avaient déjà apporté leurs réponses et des problématiques qui étaient bien trop abstraites pour être constructives.
Entre ruses et piétinements, je formulais dans une soirée avec S.M. l’idée avinée d’un texte se réécrivant lui-même, comme pour dire qu’il s’était trompé sur ce qu’il voulait écrire une première ou même une deuxième fois. J’arrivais au Palimpseste
écriture faite support d'écriture
écriture, désécriture, surécriture
transparence et opacité avec jeux de profondeurs.
J’ai aimé cette idée et aujourd’hui je la quitte (en corps encore). En bonne relation, suffisamment respectable pour que je la présente à mes parents, je suis restée 3 ans avec le Palimpseste.
Nous nous sommes aujourd’hui séparés mais c’est un non-évènement
parce qu'aucun tabloïd n'en parle
parce que la thèse survivra à cette image
parce qu'elle se libère même d'une métaphore qui a fait son temps.
Carnetière avortée #
C’est correct d’avorter4.
Avant Blank, j’en ai eu des espaces d’écriture autant que des amants, autant que des projets
une chambre à soi d'un soir pour que le matin mette à jour les ivresses,
une chambrière de quelques mois qu'on n'a jamais vraiment investi,
une chambre prêtée qui ne convient pas mieux mais qu'on accepte pour ne pas vexer.
J’ai testé le copier-coller sur un carnet Hypotheses (ErgonSum - Déchiffrement de l’œuvre numérique laissé à l’abandon, j’ai essayé de fabrique une page à partir de rien ou presque ou suffisamment pour réaliser que les structurations dépasseraient mes patiences.
Mon parcours en tango dont la volta n’est pas finale me fait apprécier suffisamment pour les livrer ici
les trébuchements divers,
tous les pas à gros sabots qui ont bien fini par donner un rythme,
à produire une petite lyre de la recherche.
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Cette réflexion fait suite à la section Chercher où écrire. ↩︎
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des tragédies grecques (Eschyle, Euripides, Théodectes, Pindare, Sophocle) jusqu’au réinterprétations modernes (Gide, Müller, Demangeot). ↩︎
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La question des réécritures donnait, je présume, de l’espoir à mon directeur pour être redirigée vers le corpus anthologique en lien avec le projet Anthologie Grecque de la CRCEN. ↩︎
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J’ai écrit cette phrase le 12 juillet 2022, et dans le contexte, le double sens assumé n’est pas anodin. Je la maintiens écrite telle aujourd’hui puisqu’il faut encore le redire. ↩︎