Femmes et édition numérique
Dans le cadre du cours donné à l’Université de Montréal FRA3826/EDN6001 - Théories de l’édition numérique, j’ai consacré la séance 10 à réfléchir sur la thématique “Femmes et édition numérique”.
Première fois d’une séance exclusive sur la question de la représentation des femmes dans/par l’édition numérique dans le cadre de ce cours, ceci est une note crashtest pour lister les problématiques qui ont été abordées, pour aussi questionner l’intitulé même de la séance et son utilité.
La séance avait pour objectif de réhabiliter les figures de femmes dans la présentation de l’édition numérique, de poser la question du sexe/genre des outils et de proposer des pistes de bonnes pratiques pour prendre davantage en compte des enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion.
Un titre à revoir #
Face aux problématiques actuelles qui permettent de conscientiser sur les termes et les status que l’on y associe, le titre de la séance ne prend certainement pas en compte l’intégralité des conjonctures, des bifurcations et hybridations du sujet :
Est-ce qu’en disant Femme, sont prises en compte les déclinaisons des actions faire femme, être femme, agir femme ? Est-ce que ce terme a encore un sens commun sans être polémique ?
Est-ce que Femme inclut automatiquement les sémantiques plurielles du féminin ?
Est-ce que c’est un héritage d’une pensée binaire ?
La difficulté de la séance, qui n’a pas été suffisamment dépassée, se love davantage dans une réflexion métatextuelle : comment parler de problématiques sans user de termes à problèmes ?
Mais, prenant en compte que penser l’édition c’est penser la multiplicité de modèles épistémologiques qu’elle permet, il m’est apparu que parmi les disciplines, l’édition est peut-être justement le lieu qui supporte les pluriels, qui supporte les polysémies mieux qu’un dictionnaire.
Un combat parmi d’autres #
Pour en avoir discuté en amont avec différentes personnes, internes ou non à la discipline, plusieurs interrogations ont émergé et m’ont amené à formuler les réponses suivantes qui se contredisent parfois :
Est-ce une forme de militantisme féministe que de faire cette séance ?
N’étant pas spécialiste de ces questions et ne me reconnaissant pas dans un militantisme féministe, j’ai abordé la séance comme une approche scientifique, comme une texte qu’il faut examiner mais que je ne brandirai pas dans une marche.
Pourquoi une séance en particulier ?
Le choix de consacrer une séance particulière semble en effet faire acte, apparaît comme une prise de position. Peut-être également qu’il est acceptable ou excusable qu’une telle séance soit donnée parce que je suis reconnue comme femme dans un milieu de savoirs, et que je bénéficie ainsi d’un droit de discours sur ces questions.
La séance ne participe t-elle pas du hiatus qu’elle souhaite dénoncer ? Est-ce qu’il y a un éditer-femme ?
Différencier les séances qui retracent l’histoire de l’édition numérique d’une séance sur une histoire alternative de l’édition numérique, n’est-ce pas là poursuivre la frontière entre les sexes ? Pourquoi présenter l’Index Thomasticus de Roberto Busa et l’Index Thomasticus des chargées d’encodage des cartes perforées où figure notamment Livia Canestraro ? Pourquoi ne pas réconcilier Mark II et Grace Murray Hooper dans le papillon de nuit (le premier bug documenté) ?
Peut-être pour "faire corps".
pour représenter ce papillon de nuit dans une matrice où trônent des pères du nom de TBL, Babbage, Turing, etc.
L’activisme de la séance se contient dans le microcosme du cours en tant que tel :
obligeant à revenir sur les bases de l'édition numérique qui avait été présentées en séance 2 et 3 ;
abordant des sujets sensibles ;
flirtant avec divers types de triggerwarning ;
renégociant avec l'image générale de l'édition numérique qui avait été érigée depuis la première séance ;
démontrant à quel point cette image peut-être bouleversée.
La séance 10 aurait pu s’intituler :
Le papillon de nuit dans la machine numérique #
Et comme tout insecte noctambule, la séance a été prévue dès sa création avec une durée de vie limitée, éphémère.
L’idéal de cette séance est qu’elle ne soit plus nécessaire, qu’elle soit performative au point de s’annuler. Je mets un pari sur le fait que dans quelques temps – un mois, une pandémie, une génération –, ce billet aura des airs d’obsolescence, fera vieux jeu comme la question de la répartition des femmes/hommes d’un établissement pour mesure le taux d’équité.