Soigner son monde
Participation aux Ateliers de recherche-création intersectoriels Soigner son monde de Céline Huyghebaert et Pascale Millot à la session d’Hiver 2022.
Texte 1 #
Consignes #
Écriture de soi(autofiction, récit de soi, essai personnel, etc.)
Décrire, à la première personne et en 600 mots, une histoire personnelle: un souvenir, un événement, une rencontre, une expérience, etc.
- Prendre le risque de l’écriture au je
- Le récit de soi est politique
- Le récit de soi est un récit: il se construit.
- Faites ressentir au lieu de décrire
Brouillon #
L’odeur des figuiers dans le noir #
Mon père racontait cette histoire
aux invités,
aux individus croisés ou interpellés,
à tous ceux qui me restent aujourd'hui sans visage,
pour leur dire que sa fille, sa première, pendant longtemps sa seule, n’avait pas peur du noir,
que c'était une guerrière,
une enfant particulière déjà,
un trois pommes à la tête blonde
qui, lorsqu'il a su marcher,
à la tombée de la nuit d’été,
avait pris cette habitude de faire le tour de la maison,
de passer par la porte du couchant, orientée nord-ouest,
et de repasser par la porte du levant, orientée nord-est.
Il la racontait encore à lui-même et j’en faisais peu à peu mon rituel, ma genèse.
Le passe-passe de l’avant morphée, le passage entre chien et loup.
Ce demi cycle comme le cercle d’une planète.
Je pense encore faire le tour de la maison comme se lover un instant dans un papasan de régression.
J’étais ma propre planète où gravitait en satellite l’histoire de mon père sur sa fille. Je faisais la visite du domaine, en chausson et robe de chambre, du côté de la colline qui donnait sur l’horizon, celui qui n’était par bordé par la forêt, la zone des bêtes et des formes de la nature. Je vérifiais que le soleil était bien bordé sous les couettes de la nuit.
Ce que ne dit pas mon père aux invités, ce que je ne lui dis pas, c’est que,
je n'avais pas peur du noir du paysage, je n'ai pas peur du noir de dehors,
j’avais peur de ne pas retrouver la porte du levant, ou de la trouver et d’avoir traversé l’univers pour me trouver à l’envers d’un négatif, dans le noir d’une chambre domestique,
j'ai peur du noir du dedans.
Je n’avais rien à voir dans le jardin, ni au-delà. La vision n’est pas le sens du soir, les yeux se perdent dans un imaginaire qui déconstruit le rapport au monde, un écran où le cerveau projette ce qu’il ne peut pas distinguer, comme un espace d’exhutoire de toutes les Furies du jour qui balancent au dessus de sa tête et mordent ses joues.
J’avais à sentir. L’odeur des figuiers dans le sombre de l’été qui chavirent à la surface de mon crâne. Je la sens tomber sur mes trois pommes blonde, qui se rue à la confrontation avec l’odeur des herbes rosées et des grillons à cimballes.
Chaque soir, c’était voir si les lotus nocturnes me laissaient retourner au foyer des objets domestiques. Voir combien de temps je pouvais rester sous les branches, leurs nueées avant de me transformer moi aussi en figue. Si je passais l’épreuve, je rentrais autre, un fruit mur pour le lendemain, avec à ma traîne tissée de l’haleine du crépuscule et ma couronne des papillons de nuit. Je pouvais montrer à mes parents, à mon père, qui avaient perdu son enfant pour le retrouver, que moi, je vais, et qu’eux, ils racontent.Que je suis l’Ulysse et qu’ils ne peuvent que compter mes périples parce que je ne les embarque jamais dans mes voyages.
Je ne les ai pas pris avec moi pour ce rite ni jamais depuis.
Je continue de sortir par une porte pour rentrer par une autre.
Je passe par une gate avec un numéro, dans ces espaces où tout passe, où il fait et jour en même temps, et je passe par une autre gate avec un numéro qui ne correspond pas, dans un espace identique, à la même heure qu’à laquelle je suis partie. Mais je ne sens plus l’odeur des figuiers dans le noir, seulement celui des fugues de l’enfance.
Texte 2 #
(à venir)
Texte 3 #
(à venir)
CC BY-NC-SA Antoine Fauchié