Écritures profilaires #
Je vais vous présenter ce qu’on appelle les écritures profilaires
Mais pour cela on va déjà commencer à parler du profil parce que c’est une notion qui a été travaillée et qui ne va pas de soi.
Le profil, on le comprend tout d’abord comme un objet relevant du domaine de la vision, d’une représentation visuelle mais une représentation visuelle particulière parce que le profil joue avec les limites du montré/caché,
le profil c’est mon identité pour l’autre,
on est donc dans l’ordre du reflet, de ce qui est transmis mais on reste dans quelque chose de construit et c’est cette tension entre vérité et simulacre, comme un authentique artifice qu’on va discuter surtout.
Pour donner une petite histoire, une mythologie, et c’est notamment ce qui a été développé par Servanne Monjour dans son article mais aussi dans un dossier entier thématique à Muse Medusa, dont j’ai mis le lien dans la bibliographie zotero.
On attribue, selon une relecture d’un texte de Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle, l’origine du dessin du premier profil à Dibutade, qui était une jeune fille au VIe siècle av JC, fille d’un potier.
Dibutade aurait tracé le premier profil, l’ombre de son amant alors parti, avec du charbon de bois sur un mur avec la lumière d’une lampe.
Puis le père, toujours potier, va appliquer de l’argile sur le profil dessiné et en fera un modèle qu’il cuira, origine de la première sculpture en relief en tout obtenue avec ce principe de moulage.
(le profil qui a été brûlée dans un incendie)
« […] sa fille : celle-ci, amoureuse d’un jeune homme qui partait pour un lointain voyage, renferma dans des lignes l’ombre de son visage projeté sur une muraille par la lumière d’une lampe ; le père appliqua de l’argile sur ce trait, et en fit un modèle qu’il mit au feu avec ses autres poteries »
(Pline, Histoire naturelle, Livre XXXV, chap. 43, traduction Littré, 1887)
Alors petit point aussi qui est important aussi pour ce que je dirai par la suite, la reconnaissance de/à Dibutade est récente et cette figure reste encore un peu sous le joug d’un certain sexisme historique : déjà par son nom même “dibutades” soit la fille de Boutades, qui est le père potier, qui est une assignation.
Le vrai nom de Dibutade, son nom au-delà de son père qui est beaucoup plus cité, c’est Callirrhoée de Sicyone.
Et même parfois on assigne le nom de Dibutade au père, occultant ainsi toute présence et participation de la fille.
Cet imaginaire en quoi il aide ici et en quoi il permet de distinguer le profil du portrait ?
parce que le profil c’est justement l’identité d’un individu fondu dans une matière dans un média.
C’est le fait de faire d’une matière un support pour transmettre une identité, de jouer avec ses caractéristiques plastiques pour faire effet de présence. Il ne s’agit pas de reproduire, il s’agit de donner l’impression que l’individu absent : c’est pour ça qu’on peut parler d’artifice.
L’idée d’une incorporation, très intime avec le média, un peu même biblique au fond, elle est très importante pour le profil.
Cette question de la présence justement elle est intéressante avec les profils sur les réseaux sociaux : compte sociaux d’auteurs morts, vous pouvez avoir une conversation avec Victor Hugo, vous pouvez lire les tweets de Edgar allan poe ou encore demander en amie Virginia Woolf, etc.
Il y a cette même idée, de donner l’impression d’une présence.
Le terme profil est justement un terme synonyme d’identitaire : notamment par une reprise du terme dans les années 1920 par la psychanalyse qui l’emploie pour désigner le caractère d’un individu, un profil psychologique
; puis emploi par le domaine légal avec le développement d’études importantes pour notamment la conception de l’individu que l’on va justement appeler le profilage : on parle de profil comme une typologie criminelle.
L’idée, sans entrer trop dans les détails, c’est qu’on peut comprendre un acte répréhensible en prenant en compte les caractéristiques de la personne qui les a commis : pour le profilage criminel, il ne s’agit plus de dire, la personne en question était folle ou mauvaise, mais elle a un profil (un ensemble de caractéristiques et de vécus surtout) qui peuvent aider à comprendre son acte :
Et si on dresse des profils de criminels, on peut définir des patterns entre personnes susceptibles de commettre des actes similaires.
Alors il y a eu des dérives : il y a eu par exemple le cas de ** qui va essayer de définir une récurrence du mal en superposant des profils.
Il reste que le profil est ce qui permet la reconnaissance de l’individu par la communauté : par le psychologique ; par le judiciaire (vous avez ici une photographie judiciaire qui a généralisé l’idée que la double représentation (face et de côté) permet l’identification et de possibles correspondances entre le profil visuel et criminel) et notamment que l’on appelle des bertillonages d’après Bertillon dont vous voyez un exemple à l’écran ; reconnaissance et identification surtout maintenant par le monde en réseaux, la sociabilité connectée où le profil comprend un rapport au visuel, à la présence intermédiée, et une large part d’expression psychologique.
La définition d’un cadre au visage, de placer le visage au centre pour faire profil, vous avez la même idée avec le profil aujourd’hui ou le système de filtre.
Le terme va se généraliser, dans une connotation positive et négative, dans la sphère professionnelle, puis enfin dans une dimension de sociabilité avec l’emploi du terme par les réseaux sociaux.
On peut déjà le voir : la tension dans le profil réside du fait qu’il ne peut pas être assimilé à une fausse identité, pourtant ce n’est pas moi, c’est une projection, une édition de moi.
On en arrive progressivement à ce que l’on a appelé les écritures profilaires qui sont des créations numériques qui vont jouer avec l’environnement numérique (le principe des données personnelles, la fonction du réseau social, etc.) par la notion de profil. Comment déjouer ces données, comment faire du portrait d’utilisateur que je vais générer sans pouvoir le contrôler un profil, une image que je décide pour l’autre ? un objet qui est mien ?
On va partir de la définition donnée par Servanne Monjour :
[…] [T]out récemment, le terme [profil] aura encore gagné en popularité grâce à des dispositifs tels que Facebook ou Twitter, qui fusionnent et redéterminent les principales acceptions historiques du terme – profil visuel et profil psychologique. […] [N]ous avons tout intérêt à reconnaître le potentiel poétique des profils d’utilisateur, un potentiel qui procède notamment d’une pratique de détournement ludique des connotations associées au fait numérique [@monjour_dibutade_2015, p. 10].
L’écriture profilaire est, et c’est ce qui fonde sa tension avec la question de l’identité, une écriture de la subjectivité numérique.
Le concept de profil tel que l’énonce Monjour associe mimèsis et poïesis. Il est création, fiction et invention tout en demeurant une reprise d’une identité, un héritage réel (au même titre qu’une persona rhétorique ou littéraire). Un profil édité sur un réseau social se propose comme un avatar de l’individu en jouant de l’ambiguïté entre des informations privées, identitaires et un roman de soi.
Et là on revient sur une autre dimension du profil, la dimension de l’auctorialité :
retour sur l’article de servanne
Elle introduit justement son article sur la question du statut de l’auteur et de sa problématique numérique.
Et elle rappelle que ce statut est une construction : par tradition c’est une dimension de prestige qui va être assimilée à une technique, un style, une écriture, ou une marque, une édition. ET dans le numérique, justement le choix de la marque de la technique, de sa politique il compte d’autant plus : vous voulez être chercheur ou professeur à l’université, vaut mieux écrire sur du docx parce qu’on a décidé que c’était la norme, vous voulez que vos articles soient lus et aient de la visibilité : il faut les rendre payants.
L’idée c’est que les environnements numériques ne sont pas juste des outils : ils fondent concrètement une communauté de recherche même si cette dernière ne le sait pas.
Et vis-à-vis de ces normalisations : on a des résistances, les écritures profilaires c’est aussi ça : résister comme les surréalistes à une façon de faire de la littérature, la déplacer sur d’autres endroits : Craiglist, Kijiji, Tinder.
Donner une format plus public à la littérature, comme un art urbain, mais là sur les places publiques du Web.
Ce que l’on peut appeler les nouvelles littérarités, des romans sur facebook, des poèmes avec la contrainte twitter, pose la question, pas seulement de leur valeur littéraire, qui gêne l’analyse, mais aussi de l’analyse : est-ce qu’on a le droit de les citer, comment on les analyse ?
La question qui va nous intéresser c’est que justement ces écritures vont jouer, se moquer du prestige du statut d’auteur littéraire. Elles vont faire du statut d’auteur, par la composition du profil, un objet littéraire, pas plus pas moins.
Le statut d’auteur est une construction au même titre qu’un poème, qu’une annonce sur kijiji, qu’un post sur facebook.
Il y a à la fois ce qu’on pourrait percevoir comme un nivellement, on remet l’auteur au milieu de la foule, et un engagement pour créer une figure du quotidien.
Et la question de la vérité du statut d’auteur, de la vérité ou de la réalité du profil n’est pas importante, c’est justement ça qu’il faut déconstruire pour la considérer comme une création, ça s’édite comme toute information, et la véracité de ces informations n’est pas importante parce ce qui compte c’est de décomposer ce qui va donner une impression de présence, l’édition littéraire d’un profil numérique.
Mais cela dénonce aussi un problème ou une tendance qui est rendue peut-être encore plus complexe dans les environnements numériques.
Est-ce qu’on peut encore distinguer personnalité publique de personnalité civile, l’auteur de l’individu ? Est ce que l’individu, l’auteur dépend des données éditées en ligne ?
Exemple : surtout dans le cas des réseaux sociaux : le cas d’un type viré pour avoir posté une photo sur son réseaux alors que en congé maladie… le cas du bug de l’an passé où insta, fb étaient down pendant plusieurs heures : c’est pas juste un média de divertissement qui est perdu, c’est l’économie et le travail de beaucoup de personne qui en dépend, même chose pour openum, plateforme qui hébergeait les sites des chercheurs, qui a été hackées : c’est les profils des chercheurs.
Alors je vais présenter quelques exemples justement d’écriture profilaire que reprend notamment Servanne dans son article.
et en premier lieu :
- Victoria Welby qui a publié sur Kijiji l’annonce suivante :
« Victoria Welby, écrivaine publique, rédaction de :– lettres d’amour– correspondances érotiques– récits licencieux– scénarios lubriques etc.– 50 $ de l’heure, une heure minimum. Le texte sera réécrit jusqu’à deux fois si la cliente, le client ne le trouve pas satisfaisant. »
L’auteur se donne dans son profil Kijiji le titre d’« écrivaine publique », ce qui rappelle notament une historicité de la fonction d’écrivain public : soit celui qui vendait une compétence d’écriture comme service public, sans rapport de propriété : ce que l’on appelle le prête-plume ou l’écrivain fantôme qui ne s’implique pas dans l’écriture, qui ne signe pas : l’écriture et c’est une perspective qui est je pense très importante à rappeler parce qu’on l’oubli par tendance, l’écriture est un travail.
et puis cette autofiction de soi s’étend aussi à d’autres espace parce que dans son site personnel, on a accès à cette courte présentation de soi :
Victoria Welby est un personnage né, un peu au hasard des choses, dans un site de rencontres virtuelles. Parce que son auteure ne voulait pas d’un pseudonyme numéroté (ç’aurait été une insulte à son imagination), elle a fini par emprunter le nom d’une autre. Intello et sémioticienne elle-même, elle a affublé son avatar du nom d’une sémioticienne anglaise, nécessairement méconnue des gens fréquentant les sites de rencontres.
La première sortie publique de Victoria Welby (c’est-à-dire en dehors des sites de rencontres) a eu lieu en mai 2006, dans le cadre de deux projets littéraires faisant usage du blogue comme plateforme de publication. […]. Ne voulant associer ni son vrai nom, ni son adresse courriel principale à ces projets, l’auteure a décidé de réutiliser Victoria Welby comme avatar. Tous ses projets de littérature, hypermédiatique ou non, sont désormais signés de ce nom. Elle a bien commis une ou deux choses littéraires sous son vrai nom, mais elle les donne désormais comme des productions de Victoria Welby sous un pseudonyme
Le mêlement des identités dans une même création profilaire, c’est ce que propose Victoria Welby ici.
L’auteur.e s’émancipe en s’exhibant, il ou elle s’émancipe d’une contrainte très fort qui est le sujet-écrivain : il y a un jeu de personne, l’individu va jouer et mettre son écriture au service de ce jeu avec la figure même d’auteur.
autre exemple, qui celui-là, est beaucoup plus crue, mais qui porte un double discours important pour l’institution littéraire, celui d’Anne Archet.
Anne Archet c’est un nom qui peut être compris comme un réseau en lui-même parce qu’il se ramifie en différents espaces d’identités et d’écritures numériques, il y a le site officiel, mais il y a aussi Twitter, et Facebook et d’autres espaces encore.
Dans ces espaces de profil justement, L’écrivaine va détourner une visée de l’identification pour l’investir par la création : elle remplit les champs destinés à ces données de profil avec par exemple « emploi : succube adjointe à Satan »…
Au-delà d’un combat je pense très assumé pour dire que l’auctorialité est aussi une déclaration de sexe,
Le propos est de dire ici que l’identité d’auteur est aussi un savoir-faire, aussi une stratégie artistique, que le profil est cet espace qui est investi par une écriture, le profil d’auteur.e sera un paratexte à l’oeuvre et correspondra à une continuité esthétique pour créer des tensions, des porosités entre trois instances d’auteur :
- une instance paratextuelle : la présence
- une instance d’art d’écrire : le métier
- une instance narrative : le personnage
et cela va être mis en jeu avec la personne de l’auteur pour constitué un objet de représentation fragmentaire et partiel = le profil.
On peut alors résumer les écritures profilaires ainsi :
- C’est une stratégies artistiques et médiatiques (on fait du détournement, de la dérision, de la parodie, de la résistance aussi de soi)
- C’est une poétique/fabrique numérique : il s’agit d’investir les potentialités logicielles et plastiques du numérique et de composer avec, on fait ni un espace pour l’écrivain ni pour l’auteur mais pour une autre instance.
- C’est une continuité en écho avec des moments de la littérature mais aussi du geste d’inscription en tant que tel
Et cela ouvre enfin plusieurs questions et réflexions sur le principe d’identité dans le numérique, sur ce qui la constitue concrêtement : est ce qu’Anne Archet par exemple, je peux la concevoir comme une représentation mi-humaine, mi-machine ? Quelle métamorphose de ma condition lorsque j’édite ma propre identité ?
L’écriture profilaire, si j’y reviens alors, constitue une possibilité de fuite, ou un contre-pouvoir sur ce impact des réseaux sur nos subjectivités.
Welby et Archet justement dont je vous ai parlé, cherche à détourner des espaces qui nous profilent, pour en faire de l’autofiction, pour justement jouer le jeu du principe du profilage mais le corrompre dans son fonctionnement même.
Alors dans un dernier temps, j’aimerai vous proposer une courte réflexion sur l’état actuel de nos profils, numérique oui mais numérique aussi parce que confinés.
Il y a un aspect politique très fort dans les écritures profilaires sur lequel j’aimerai m’arrêter un peu
On a parlé d’auctorialité, mais, et ce n’est pas pour rien que Monjour cite des femmes, il faudrait être plus précis et parler d’auctorialité féminine parce que c’est aussi de cela dont il est question.
La question du profil de la femme est extrêmement importante à traiter et surtout de la manière dont la traite Welby et Archet : il s’agit pour des femmes de créer des profils de femme par un média, par des environnements et un culture qui sont majoritairement masculins ou dont les imaginaires sont masculins exclusivement.
Les figures de pouvoirs sur la machine, c’est le hacker, le geek, le programmeur. Une femme devant une machine c’est une secrétaire.
Et ce sont pas juste des imaginaires, on parle de profil, ce sont des identifications !
Et on oublie beaucoup les figures de femmes dans l’histoires des techniques numériques : d’abord parce qu’elles sont moins nombreuses, comme en littérature, aussi parce que réside un sexisme littéraire ou technique encore aujourd’hui.
Le fait de se profiler pour ces auteurs c’est une manisfestation, c’est pour ça qu’il y a un côté aussi sulfureux dans les deux profils, c’est parce qu’il s’agit de se rendre visible sans l’intermédiaire de l’homme, sans être “la fille de” : pour son écriture à soi, en se vendant comme on le souhaite.
La technique ici, le numérique, n’est alors plus un aspect masculin : c’est peut être l’espace où la femme peut se réinventer entre machine et identité.
C’est pour ça que je voulais faire un petit crochet par le manifeste cyborg.
Si on se réfère à des écrits féministes dans les années 1980 : il y avait un espoir que l’informatique, qui était une nouvelle science, serait l’espace où on pourrait renégocier les rapports entre les sexes de manières plus égalitaire.
Le manifeste Cybord est un ouvrage de Donna Haraway de 1984 qui va critiquer un état du féminisme mais en utilisant la figure du cyborg, et notamment en revenant sur le mythe du cyborg qui est un mythe phallocentré de domination de l’homme - homme mâle sur la nature.
L’ève future, roman de Villiers de l’Isle Adam (déjà quand on a Adam dans son nom, dire qu’on créé l’Eve future, ça peut questionner le complexe de dieu et de surmoi) est un roman qui porte une conception extrêmement mysogyne de la femme mais qui a aussi l’intérêt de déclarer le mythe de l’Andréide, et de décomposer la femme comme une machine.
Juste pour vous en parler rapidemment, le cyborg c’est la fusion entre le corps et la machine, et c’est déjà une limite de l’humain qui a imprégné plusieurs récits, frankenstein, le golem, l’eve future, etc…
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je parle un peu ici du manisfeste cyborg : parce que c’est une prise de position féministe protechnologie ; parce que cela présente une approche de convergence entre la théorie et la pratique ;
La figure du cyborg ici devient un moyen, un outil théorique pour questionner les tensions entre genre et technologie, pour aussi proposer un autre imaginaire du cyborg, un cyborg ni homme ni femme. C’est l’ouverture de la cyberthéorie générale et tout particulièrement de la cyberthéorie féministe.
on retrouve dans Patchwork girl de Shelley jackson, à l’inverse de l’andréide de l’eve future : l’édition d’outil, la structuration du numérique justement peut aider à sortir de schémas d’exclusion, de domination encore faut-il être à l’intérieur.
Autre aspect auquel on arrive avec les écritures profilaires, c’est que tout le travail littéraire est alors un travail d’édition. J’ai rassemblé ici deux citations qui résument cette idée selon des perspectives différentes.
Ce sont des citations un peu comme “la seule que je sais c’est que je ne sais rien”, on pourrait en faire une thèse dessus, une thèse pour chaque, donc ce sera pas une explication exhaustive.
Mais si on commence avec McLuhan.
Comme l’indique le titre même de l’ouvrage, la compréhension est l’enjeu de la thèse de McLuhan : l’humain n’est pas esclave de par sa dépendance croissante à la technologique, il le devient parce qu’il ne conçoit pas (consciemment ou non) que l’appréhension des médias est indispensable à sa survie. Donc décrypter le média, pas son contenu, c’est comprendre son influence concrète et culturelle sur notre humanité.
Ce qui veut dire que du même coup, le média c’est le message, au sens symbolique, c’est ce que l’on doit essayer de comprendre dans la réception.
Alors ici, ce qu’on a dit sur l’auctorialité prend aussi tout son sens, puisque extension of man. et la femme est une extension comme un autre média.
L’assertion de Kittler “Media determine our situation.” (1999) définit le média non comme un intermédiaire passif mais bien comme l’infrastructure, la condition ontologique.
Loin d’être neutre, transparent ou subordonné aux besoins de l’individu et à l’information qu’il véhicule, le média porte en creux un modèle humain.
C’est par cette approche notamment, approche des Media Studies, approche des études intermédiales, que l’édition peut être engagée comme un travail de création justement parce que les médias ne sont pas juste des intermédiaires à des contenus culturels mais des objets culturels en tant que tel.
Halte au visage #
C’est là juste une proposition de réflexion / discussion, mais il me semblait important de faire un parallèle entre ce qui a été dit et ce qui a été un petit quotidien les dernières années et qui résonne aussi plus largement..
crise du réel
Lucie Morisset, « de notre société, qu’elle pourrait être comprise (très largement) à l’aune d’une forme de crise de véracité » (Morisset 2009, 26).
Cette crise, je pense qu’il y a un élément de soi qui porte le profil et dont on a pas parlé, qui le symbolise bien, c’est le visage.
Des visages nus, majoritairement on en a vu peu ces dernières années, ou alors on les aborde justement par l’écran numérique.
Qu’est ce que cela va amener dans notre rapport à l’autre ?
Premier médium de la relation humaine, le visage est le lieu même de l’expression et de l’identité, mais aussi des normes sociales qui le maquillent ou le figent en faciès. Que devient son pouvoir d’identification et de communication à l’heure des réseaux sociaux et des selfies ? Quel(s) visage(s) l’environnement médiatique nous assigne-t-il, alors que la présence s’écrit désormais en traces numériques – innombrables, fragmentaires, intangibles ? La face, par laquelle nous nous présentons aux autres et que nous ne voulons pas perdre, est-t-elle en passe d’être remplacée par ces profils que chaque individu se voit contraint d’administrer et que tous les acteurs économiques ou sécuritaires surveillent ? Louise Merzeau
de la même manière que notre rapport à la présence et à l’identité de l’autre a pu évoluer, changer depuis les médias de communication (avant on a avait du mal à concevoir que la voix sortait du combiné était bien celle de la personne et que c’était pas le diable qui se jouait de nous, aujourd’hui ça nous est intégrer de parler et voir quelqu’un à l’autre bout de la terre et même on râle quand bug).
de la même manière la conception du visage a évolué, ce n’est plus le garant d’une véracité ou d’une identité, entre les masques, les filtres aussi, le visage ne porte plus aussi clairement l’identification.
Est qu’on peut encore aujourd’hui considérer le profil de soi, de l’autre sans masque ? soit sans le symbole et l’objet qui l’incarne d’un conformité sanitaire ?
Comment se fait-on face aujourd’hui autrement que par le numérique ? est ce qu’on est pas justement à une nouvelle crise du profil aussi ?
CC BY-NC-SA Antoine Fauchié